EL LOCO Y LA VENUS
Charles Baudelaire
(París, 1821-1866)
¡Qué admirable día! El vasto parque desmaya ante la mirada abrasadora del Sol, como la juventud bajo el dominio del Amor.
El éxtasis universal de las cosas no se expresa por ruido alguno; las mismas aguas están como dormidas. A diferencia de las fiestas humanas, ésta es una orgía silenciosa. Diríase que una luz siempre en aumento da a las cosas un centelleo cada vez mayor; que las flores excitadas arden en deseos de rivalizar con el azul del cielo por la energía de sus colores, y que el calor, haciendo visibles los perfumes, los levanta hacia el astro como humaredas.
Sin embargo, en este goce universal, he divisado un ser afligido.
A los pies de una Venus colosal, uno de esos locos artificiales, uno de esos bufones voluntarios que se encargan de hacer reír a los reyes cuando el remordimiento o el hastío les obsesiona, emperejilado con un traje brillante y ridículo, con tocado de cuernos y cascabeles, acurrucado junto al pedestal, levanta los ojos arrasados en lágrimas hacia la inmortal diosa.
Y dicen sus ojos: “Soy el último, el más solitario de los seres humanos, privado de amor y de amistad; soy inferior en mucho al animal más imperfecto. Sin embargo estoy hecho, yo también, para comprender y sentir la inmortal belleza. ¡Ay! ¡Diosa! ¡Tened piedad de mi tristeza y de mi delirio!”
Pero la Venus implacable mira a lo lejos no sé qué con sus ojos de mármol.
LE FOU ET LA VÉNUS
Quelle admirable journée! Le vaste parc se pâme sous l'œil brûlant du soleil, comme la jeunesse sous la domination de l'Amour.
L'extase universelle des choses ne s'exprime par aucun bruit; les eaux elles-mêmes sont comme endormies. Bien différente des fêtes humaines, c'est ici une orgie silencieuse.
On dirait qu'une lumière toujours croissante fait de plus en plus étinceler les objets; que les fleurs excitées brûlent du désir de rivaliser avec l'azur du ciel par l'énergie de leurs couleurs, et que la chaleur, rendant visibles les parfums, les fait monter vers l'astre comme des fumées.
Cependant, dans cette jouissance universelle, j'ai aperçu un être affligé.
Aux pieds d'une colossale Vénus, un de ces fous artificiels, un de ces bouffons volontaires chargés de faire rire les rois quand le Remords ou l'Ennui les obsède, affublé d'un costume éclatant et ridicule, coiffé de cornes et de sonnettes, tout ramassé contre le piédestal, lève des yeux pleins de larmes vers l'immortelle Déesse.
Et ses yeux disent: - "Je suis le dernier et le plus solitaire des humains, privé d'amour et d'amitié, et bien inférieur en cela au plus imparfait des animaux. Cependant je suis fait, moi aussi, pour comprendre et sentir l'immortelle Beauté! Ah! Déesse! ayez pitié de ma tristesse et de mon délire!"
Mais l'implacable Vénus regarde au loin je ne sais quoi avec ses yeux de marbre.
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